Libération - Samedi 05 mars 2005 - Laure Nouhalat
Manifestations ce samedi contre une technique de conservation des aliments.
Des petits plats aux rayons gamma
Vous prendrez bien un petit bombardement d'électrons avec vos cuisses de grenouille ? De toute façon, vous n'avez guère le choix. En France, depuis la fin des années 70, on irradie certains aliments pour les conserver plus longtemps. Les condiments, les épices, les herbes aromatiques, les crevettes, les cuisses de grenouille, la volaille, les légumes, le jaune d'oeuf ou la farine de riz prennent tous un bain de rayons gamma dans leurs palettes avant d'être distribués. C'est contre cette pratique que des associations appellent à manifester ce samedi après-midi à 15 heures (1).
Si les aliments précités se font ioniser, ils n'en deviennent pas radioactifs pour autant. L'irradiation des aliments est une technique de conservation qui détruit les bactéries, levures, moisissures mais aussi les insectes ou les facultés germinatives des plantes et semences. Dès lors, l'aliment est plus qu'aseptisé, il est «quasiment mort» selon les associations. Après tout, si les rayons gamma détruisent les bactéries, pourquoi ne détruiraient-ils pas les chaînes ADN des vitamines et des nutriments ? Il serait plus sage d'appliquer le principe de précaution sur une technologie dont on connaît mal l'impact sur la santé humaine. Des études divergent sur ce sujet.
Cette technologie est également utilisée pour stériliser des instruments médico-chirurgicaux, des matières plastique, des cosmétiques ou des composants électroniques. Dans la filière agro-alimentaire, l'irradiation est une technique de conservation comme les autres, qui permet le transport des produits sur de longues distances. C'est une des choses que dénoncent les associations : cette technique «favorise la globalisation des échanges alimentaires dans laquelle les citoyens n'ont rien à gagner», selon Morgan Ody, de Public Citizen. Le procédé concerne un peu plus de 5 000 tonnes d'aliments en France chaque année, autant dire une portion infinitésimale de notre consommation. D'après un rapport de la Commission européenne sur le sujet paru en 2002, les pays membres irradient 2,7 % des aliments consommés dans l'Union. «Cela représente à peine 1 % de notre chiffre d'affaires», affirme Peter Neyssen, patron d'Isotron, centre d'ionisation de Marseille qui traite 800 tonnes de cuisses de grenouille et 200 tonnes d'épices par an. Le patron se dit très étonné par les manifestations, considérant que le consommateur a le choix de refuser l'aliment ionisé. Encore faut-il être au courant.
(1) Des manifestations auront lieu devant les six centres d'irradiation français.
www.sortirdunucleaire.org
 
www.ecoforum-paca.org