ASPECTS JURIDIQUES du dossier de l'incinérateur : COMMUNIQUE DE PRESSE

Par Me Jean-Victor BOREL, Avocat et Coordinateur du Comité Juridique ECOFORUM - le 4 octobre 2005

 

L’impossibilité d’obtenir l’instauration d’un débat public relatif au projet d’implantation de l’incinérateur de FOS-SUR-MER : la révélation d’un scandale national, reconnu officiellement par la Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable

 

L’affaire fortement médiatisée relative au projet actuel d’implantation d’un incinérateur de déchets ménagers sur le territoire de la Commune de Fos-Sur-Mer (13), soutenu par la Communauté d’Agglomération Marseille Provence Métropole, a permis de révéler une injustice inacceptable.

 

En effet, alors même que des débats publics ont été organisés concernant notamment le projet de ligne TGV à grande vitesse Paris-Nice, ou le tracé de l’autoroute devant relier Grenoble à Gap, il est aujourd’hui impossible pour les riverains d’incinérateurs de déchets ménagers, dont la dangerosité liée aux rejets de Dioxyne a notamment été révélée par l’affaire tristement célèbre de Gilly-Sur-Isère, de bénéficier de la procédure du débat public, et d’exercer ainsi leur droit de participer à l’élaboration des grands projets susceptibles d’avoir une incidence sur leur environnement et leur santé, consacré par le Code de l’environnement (articles L 121-1 et Suivants du Code de l’environnement)

 

En effet, alors qu’elle avait été saisie par le Syndicat d’Agglomération Nouvelle Ouest Provence (13) et l’association de protection de l’environnement WWF, la Commission Nationale du Débat Public (Autorité Administrative Indépendante ayant vocation à organiser des débats publics transparents et impartiaux) a reconnu elle-même une situation de blocage généralisé, résultant de la fixation de seuils financiers inadaptés par des textes réglementaires (Décret du 22 Octobre 2002), rendant de fait impossible l’instauration d’un débat public concernant tout incinérateur de déchets ménagers (Décision de la CNDP du 1er Décembre 2004), alors que cette procédure démocratique a été instaurée par le législateur.

 

Un décret ayant seulement vocation à permettre l’application de la loi et certainement pas à la vider de sa substance et à la rendre inapplicable, son illégalité paraît manifeste, celui-ci aboutissant en l’espèce à une violation de la démocratie participative voulue par le législateur, et à priver les futurs riverains de l’incinérateur de leur droit à être informé au travers d’un véritable débat public indépendant et impartial.

 

Ainsi que ne cesse de le réclamer l’association ECOFORUM depuis le début de ce dossier, le Gouvernement pourrait parfaitement remédier à cette situation de blocage de la démocratie participative en réécrivant les textes en cause, afin de permettre une légitime information des populations.

 

Cette situation est d’autant plus préoccupante que la CNDP a en outre avoué ne pas avoir les moyens de vérifier l’évaluation financière des projets qui lui est soumise par les maître d’ouvrage, rendant ainsi possibles d’éventuelles fraudes…

 

 

D’ailleurs, alors qu’elle était en déplacement à Sausset-Les Pins, Lundi 19 Septembre dernier, dans le cadre de l’affaire de pollution par hydrocarbures mettant en cause le pétrolier TOTAL, un des membres de l’association ECOFORUM a eu l’occasion de l’interroger au sujet du projet d’incinérateur.

 

La Ministre de l’environnement a été forcée de reconnaître publiquement cette situation de blocage, et a annoncé qu’elle allait dévoiler des mesures concrètes lors des Assises Nationales des Déchets à la Baule, Mercredi dernier.

 

Ce fût chose faite, puisque celle-ci a officiellement annoncé une réforme des modalités de saisine de la CNDP d’ici un an.

 

Cette annonce constitue en soi une victoire, puisqu’elle confirme la légitimité du combat mené par ECOFORUM et l’ensemble des opposants au projet d’incinérateur contre une injustice touchant l’ensemble de la France, et qui se doit d’être dénoncée au regard de sa gravité.

 

Néanmoins, cette victoire a tout de même un goût amer puisque si elle permettra à l’avenir d’instaurer des débats publics partout en en France, concernant chaque nouveau projet d’incinérateur, cette réforme risque de ne pas aboutir pour autant à l’instauration d’un débat public concernant le projet actuel de Fos-Sur-Mer, la réforme ne devant pas en principe s’avérer rétroactive.

 

C’est pourquoi nos yeux se tournent désormais vers le Conseil d’Etat, actuellement saisi de ce dossier, et qui pourrait prochainement annuler la décision de refus émise initialement par la CNDP et lui enjoindre d’organiser enfin ce débat public réclamé par la majorité des populations concernées…

 

Ce serait là une décision courageuse, qui aurait pour but de ne pas faire des futurs riverains de l’incinérateur les victimes d’une erreur gouvernementale…

 

La force obligatoire du plan départemental d’élimination des déchets ménagers, élaboré par le Conseil Général des Bouches-du-Rhône : le projet d’incinérateur de Fos-Sur-Mer ne s’impose pas à l’auteur du plan, contrairement à ce que soutient le Préfet des Bouches-du-Rhône et pourrait constituer un rempart efficace

 

Aux termes de sa correspondance adressée par au Président du Conseil Général, ayant pour objet le Plan Départemental d’Elimination des Déchets, Le Préfet des Bouches-du-Rhône aurait indiqué que le Plan départemental doit nécessairement tenir compte du projet d’incinérateur de la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole.

 

En effet, il est exact d’affirmer que le Plan doit « tenir compte » des installations existantes au moment de sa publication.

 

Toutefois, cela signifie seulement que le plan doit les mentionner en tant qu’installations existantes, et non que leur existence s’impose à l’auteur dudit plan.

 

Le Président du Conseil Général n’est en effet en aucune manière contraint d’adopter un plan d’élimination des déchets ménagers entérinant le choix de l’incinération comme mode de traitement des déchets ménagers.

 

Compte tenu du fait que ledit plan était déjà en cours d’élaboration au 1er Janvier 2005, celui-ci ne se trouve pas régi par les dispositions actuelles de l’article L 541-15 du Code de l’environnement, modifiées par l’article 46 de la loi du 13 Août 2004 (entrées en vigueur au 1er Janvier 2005).

 

Comme en attestent les débats parlementaires ayant précédé son adoption, ladite loi a eu notamment pour objet d’éviter qu’à l’avenir, des plans départementaux d’élimination des déchets ne puissent justement aboutir à la fermeture d’installations classées existantes, en supprimant l’alinéa 2 de l’article L 541-15 du Code de l’environnement.

 

Ainsi, en application des dispositions transitoires précitées, le plan actuellement en cours d’élaboration se trouve toujours régi par les anciennes dispositions de l’article L 541-15 du Code de l’environnement, aux termes desquelles :

 

« (…) Les décisions prises par les personnes morales de droit public et leurs concessionnaires dans le domaine de l’élimination des déchets (…) doivent être rendues compatibles avec ces plans.

Les prescriptions applicables aux installations existantes doivent être rendues compatibles avec ces plans dans un délai de (…) trois ans s’agissant des plans visés aux articles (…) L 541-14 (Plans départementaux) ».

 

 

Dans la mesure où le Plan ne prévoit pas actuellement de filière « incinération » comme mode de traitement des déchets ménagers dans le département des Bouches-Du-Rhône,

 

Il en résulte que :

 

-Soit le plan est publié avant l’autorisation préfectorale portant autorisation d’exploiter l’incinérateur, auquel cas le Préfet ne pourrait pas légalement délivrer une telle autorisation si le plan adopte clairement une politique de traitement des déchets sans incinération, sauf à encourir la censure du juge administratif ;

 

-Soit le plan est publié après ladite autorisation préfectorale portant autorisation d’exploiter, auquel cas l’incinérateur devrait nécessairement être fermé dans un délai de trois ans à compter de la publication dudit plan (suppression intervenant par Décret pris en Conseil d’Etat après l’annulation ou la suspension de l’autorisation d’exploitation par le juge administratif).

 

Les juridictions administratives ont d’ailleurs eu l’occasion de prononcer l’annulation d’arrêtés préfectoraux portant autorisation d’exploiter des installations jugées incompatibles avec les dispositions de Plan départementaux d’élimination des déchets.

 

C’est pourquoi, contrairement à ce que soutient le Préfet, le Plan pourrait constituer un rempart efficace contre le projet d’incinérateur de Fos-Sur-Mer, si d’aventure les autres batailles judiciaires n’étaient pas remportées par les opposants au projet d’incinérateur…