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Docteur
Françoise GAUNET-ESCARRAS
Adjointe au Maire de MARSEILLE
Déléguée à l'Hygiène et la Santé,
Sida-Toxicomanies,
Prévention des Risques Sanitaires chez l'adolescent
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Victor-Hugo ESPINOSA
Président du Réseau ECOFORUM
Réseau Associatif pour l'Environnement,
la Santé et le Cadre de vie
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Jacqueline CROUSIER fait quelques remarques
introductives sur le rayonnement électromagnétique.
Ce rayonnement conditionne notre vie. Tout est rayonnement
électromagnétique à part peut-être le poids et la masse. Notre vie existe
à cause de lui. Si on fait un petit balayage rapide on a d’abord la
lumière visible que nous recevons. C’est un rayonnement électromagnétique
avec un mélange de couleurs que vous pouvez séparer en faisant un prisme
(arc-en-ciel).
D’un côté de ce visible, il y a les ondes infra rouges dont on entend
parler à travers les connections du même nom entre par exemple une souris
d’ordinateur et l’ordinateur. Ensuite il y a les micros ondes, celles des
fours micro ondes, les ondes radios et celles des téléphones mobiles dont
nous parlons aujourd’hui.
De l’autre côté de ce visible, il y a l’ultra violet (rayons solaires dont
il faut se protéger), les rayons X (contrôle médical) et enfin les rayons
gammas (irradiations nucléaires) qui sont très dangereux car ils
traversent notre organisme en faisant beaucoup de dégâts.
Enfin, il y a le rayonnement électromagnétique du soleil, sans lequel il
serait difficile de vivre.
Toutes ces remarques pour décontracter les auditeurs et leur montrer que
l’émission d’aujourd’hui n’est pas du tout un cours ardu.
Françoise GAUNET précise sa fonction d’adjointe au Maire de
Marseille et rappelle sa profession de médecin pédiatre. Engagée en
politique depuis de nombreuses années pour essayer de faire avancer tous
ces dossiers de risque sanitaire et en particulier ceux qui ont trait au
rayonnement électromagnétique, préoccupation actuelle de nos concitoyens.
Victor Hugo ESPINOSA, président du réseau Ecoforum, introduit le
terme de « pollution électromagnétique » et pose la distinction entre la
pollution due à l’utilisation des téléphones portables et celle
engendrée par les antennes relais. Concernant l’utilisation des
téléphones portables, il rappelle que quelque part c’est un choix, comme
celui de fumer. De ce fait le rôle des pouvoirs publics, c’est plutôt
d’expliquer en quoi consiste le danger de l’utilisation excessive des
téléphones portables ……
Jacqueline CROUSIER intervient pour recadrer sur le problème plus
large du rayonnement.
Françoise GAUNET reprend la parole et remercie Radio Dialogue de
lui permettre de s’exprimer pour annoncer que la Mairie venait de proposer
hier aux Marseillais une charte concernant l’implantation de la téléphonie
mobile sur la ville. C’est une charte de gestion du risque tel qu’il est
perçu par les concitoyens et une réponse/modalité de gestion de ce risque
perçu (il y a bien d’autres risques qui eux sont avérés). Elle préfère
parler de « présence électromagnétique » plutôt que de « pollution
électromagnétique », car nous savons que le rayonnement électromagnétique
est nécessaire à la vie.
Elle précise que sur ce dossier la municipalité n’a en rien écarté le
risque sanitaire. Elle organise l’implantation des antennes relais. Elle
garantit que la loi est appliquée à Marseille, mais ne s’y substitue pas.
De nombreux débats et consultations ont été organisés sur ce sujet. La
mairie est convaincue après expertise qu’il n’y a pas de risque sanitaire
si l’on applique les conventions de sécurité déterminées par la loi en ce
qui concerne les antennes relais. De toute façon, c’est la loi et l’Etat
qui garantissent le risque sanitaire des concitoyens, sauf en cas de
risque sérieux et prouvé ce qui n’est pas le cas ici. La charte est
ouverte à tous les producteurs de télécommunications, c’est-à-dire non
seulement les opérateurs de téléphonie mobile, mais aussi ceux d’émissions
de radio, de télévision et plus généralement de champs hertziens pour
lesquels des questions vont se poser.
Victor Hugo ESPINOSA tente de revenir sur la distinction entre «
présence » et « pollution », pour développer l’idée que la différence
entre les deux est une question de degré, de gravité ….
Jacqueline CROUSIER intervient à nouveau pour recadrer sur la
charte.
Victor Hugo ESPINOSA convient que la charte relève d’une bonne
démarche et salue le souci de concertation de la municipalité. Il convient
également que la critique est plus aisée que la gestion des affaires
municipales. MAIS …. il souhaite que la charte s’inspire des précédents de
l’amiante et de la vache folle pour éviter de tomber dans une « pensée
unique ». Il ne faut pas qu’elle soit trop contraignante ni cantonnée à la
légalité, car il est souhaitable qu’une charte s’ouvre aussi à ce qui
n’est pas dans la loi. Il a confiance dans le bon sens de la municipalité.
Françoise GAUNET revient sur la question des précédents de la vache
folle et de l’amiante pour indiquer qu’ils sont à l’origine légitime de
l’inquiétude du public sur ce sujet. Elle rappelle que la loi est élaborée
sur la base d’avis donnés par des commissions de spécialistes nationales
et internationales et qu’il n’y a pas lieu pour une municipalité de mettre
a priori en doute les réglementation proposées dans ces domaines. Le
devoir strict, c’est de vérifier l’application de la loi. Attention
cependant à ne pas se substituer à la loi.
Cela dit, il y a un autre devoir qui est celui de montrer que tout ce
débat sur la téléphonie mobile que nous avons porté depuis 2 à 4 ans
rentre dans le cadre beaucoup plus vaste du risque sanitaire et ce débat
c’est vrai qu’il est actuellement nécessaire pour tout le monde. Ne pas y
entrer, pour les gens, c’est à la fois une impossibilité de savoir et
également une ouverture à tous les doutes possibles. Or le doute est
créateur de toutes les pathologies. On peut presque dire, en l’état actuel
des choses, qu’un risque indubitable est parfaitement toléré (à savoir 60
000 morts par le cancer du poumon et les maladies du Tabac en France),
alors qu’un doute sur un risque est intolérable.
On voudrait nous obliger à démontrer qu’il y a « zéro mort » dus aux
antennes relais, or c’est impossible. C’est un problème quasiment
philosophique mais il est nécessaire à être mis sur la place publique. De
ce point vue, les antennes relais sont un peu le bouc émissaire d’un
certain nombre de problèmes concernant le risque sanitaire.
Jacqueline CROUSIER intervient pour souligner l’inertie énorme en
matière de législation. Elle prend l’exemple de l’amiante – un exemple
qu’elle a vécu personnellement à l’Université – pour souligner aussi
l’inertie face à l’application d’une loi, puis à l’inverse, l’excès qui
existe parfois alors même qu’il n’y a aucun danger (cf. amiante
pourchassée jusque dans le fibro ciment de ses jardinières …). Elle
souligne ensuite le rôle extrêmement important des associations comme
Ecoforum pour pousser les institutions à faire les études et à prendre les
décisions nécessaires. S’appuyant sur une série d’articles parus dans le
magazine « Elle » donnant les précautions à prendre pour l’utilisation des
téléphones portables, elle pose la question de l’absence de prise de
conscience, du rôle de l’éducation à la Santé et à l’Environnement et dans
le cas particulier, à l’utilisation des téléphones mobiles. Elle
s’inquiète aussi de la quantité gigantesque d’argent qui est investie dans
la téléphonie mobile. Là où il a beaucoup d’argent, il y a beaucoup de
lobbyistes, beaucoup de laboratoires financés par les opérateurs de
téléphonie mobile ce qui ampute leur indépendance.
Victor Hugo ESPINOSA revient sur la différence entre « pollution »
et « présence » électromagnétique. Une association comme PRIARTEM (Pour
une Réglementation des Implantations d'Antennes Relais de Téléphonie
Mobile) parle clairement de pollution électromagnétique. D’ailleurs les
opérateurs eux-mêmes ne nient pas l’absence de conséquences, mais
simplement l’impossibilité de prouver qu’il y a des conséquences. Il a eu
des expériences qui prouvent cependant un effet du téléphone portable vers
les gens. On donne d’ailleurs quelques recommandations (téléphoner avec
les 4 points de réception, ne pas téléphoner lorsqu’on est en voiture,
recommandations pour les enfants, …). Il
est prouvé que de téléphoner longtemps avec un mobile augmente la
température du cerveau, modifie la composition sanguine, etc. Au niveau de
l’Etat, il faudrait qu’on légifère en matière de téléphone mobile de façon à ce
qu’il n’y ait pas une téléphonie à deux vitesses : des téléphones «
blindés » pour les riches et des téléphones « à risques » pour les
pauvres. L’Etat doit obliger les opérateurs à limiter les risques même sur
les téléphones « bas de gamme ».
Pause musicale
Françoise GAUNET revient sur la question de l’expertise et de
l’indépendance. Question soulevée à juste titre depuis toujours. Il y a
cependant un apprentissage collectif (associations, pouvoirs publics en
pointe, individus motivés pour que le monde « tourne mieux », il n’y a pas
que de la « pourriture financière »).
Jacqueline CROUSIER s’étonne de la présence simultanée de « gens
extraordinaires » et de gens motivés exclusivement par l’appât du gain.
Françoise GAUNET répond en citant Teilhard de Chardin qui disait «
plus il y de bien, plus il y a de mal ». Pollution nécessaire. L’expertise
indépendante totale n’existe pas, même à l’Université. Exemple de
l’Angleterre ou des chercheurs ont été exclus puis réintégrés à cause de
la proclamation de résultats significatifs. Mais il existe des gens
déterminés à pas laisser passer les choses : au sein des pouvoirs publics
et de l’administration notamment. C’est vrai que personne n’est absolument
indépendant. Mais cela implique-t-il le mensonge systématique ? Non.
D’ailleurs, même dans les associations comme Priartem, Agir pour
l’Environnement, pas plus que dans les laboratoires universitaires, on ne
peut parler d’indépendance totale.
Les statistiques se recoupent au plan international. La Direction Générale
de la Santé en France mène actuellement une enquête épidémiologique autour
du site de Saint-Cyr.
L’éducation, la formation et la participation sont fondamentaux. Il ne
faut pas faire que du recours négatif.
Jacqueline CROUSIER s’inquiète de l’utilisation de plus en plus
grande des téléphones cellulaires par les enfants. Ces téléphones sont un
élément extraordinaire de sécurité, de confort et de facilité. Mis il ne
faut pas les utiliser sur le même mode que les téléphones fixes, afin
converser pendant deux heures d’affilée avec une amie. On voit de plus en
plus les enfants se téléphoner entre eux au sein même d’une cour de
récréation. C’est d’autant plus préoccupant que les directives officielles
de sécurité insistent principalement sur les précautions à prendre en ce qui
concerne les enfants.
Françoise GAUNET se félicite que le coût d’utilisation du téléphone
portable limite son utilisation par les enfants. Elle pose ensuite la
distinction entre les effets thermiques et athermique de l’utilisation des
mobiles. Téléphoner pendant deux heures dans une cage d’ascenseur, ça
chauffe le cerveau, mais ça refroidit le reste du corps. Inquiétude. Il
faut l’interdire aux enfants. Associations, parents, journaux, radio.
Jacqueline CROUSIER parle de l’utilisation des mobiles pour la
fraude aux examens…..
Françoise GAUNET précise qu’une grande enquête nationale (Direction
Générale de la Santé + Agence Française de Sécurité Sanitaire et
Environnementale) va être lancée sur le rôle des mobiles dans le lien
social. Quel est le rapport de l’enfant au téléphone mobile. Isolement ou
communication ?
Victor Hugo ESPINOSA parle de la difficulté de quantifier les
problèmes liés à l’utilisation des portables et aussi de l’inégalité face
au rayonnement. Il faut tolérer la possibilité qu’il y a un risque. Il
relate les enquêtes de Priartem concernant l’apparition de pathologie
suite à la mise en place d’antennes relais. Mensonges ? Vérités ?
Nécessité de vérifier. Il évoque aussi les risques liés à l’utilisation
du mobile dans les transports en communs.
Jacqueline CROUSIER relate à ce sujet l’expérience de Madame Gros,
Directrice Générale de l’Organisation Mondiale de la Santé, à qui les
mobiles donnent des maux de tête. Elle a donc obligé subséquemment ceux et
celles qui pénètrent dans son bureau à éteindre leurs portables. Taxée
d’accès liés à la pré ménopause, elle a fait conduire des enquêtes
indépendantes par ses collaborateurs, études qui ont permis de mettre en
évidence la corrélation entre l’activité des téléphones mobiles et ses
maux de tête. Preuve de l’inégalité devant les mobiles.
Françoise GAUNET : Il faut prendre au sérieux les cas comme celui
qui vient d’être mentionné. Cela dit, il faut des enquêtes
épidémiologiques sérieuses ; Il ne suffit pas de dire « Il y a une antenne
relais sur mon toit. Je vais faire une enquête dans les maisons
avoisinantes pour demander aux gens s’ils ont des maux de tête ». Pourtant
cela a été fait. De même, des enquêtes sérieuses ont pu démontrer que
certains cas de leucémie imputés aux antennes relais étaient en réalité
pré existants à l’implantation d’antennes relais aux environs des
pathologies concernées. Il faut cependant reconnaître que c’est
l’implication des gens et leur angoisse qui suscitent les études.
Jacqueline CROUSIER indique qu’en attendant les résultats des
enquêtes qui seront forcément longs à venir, il faut prendre des
précautions. Elle rappelle qu’à Tchernobyl, le nombre de morts était
initialement relativement peu important, mais que ce sont les morts « à
retardement » du fait des maladies qui sont très nombreuses. Elle mentionne un film « insoutenable
» qu’elle a vu récemment sur Tchernobyl.
Françoise GAUNET précise que les enquêtes en cours vont porter sur
les conséquences des antennes relais, pas sur les conséquences de
l’utilisation des cellulaires.
Victor Hugo ESPINOSA introduit la notion de contradiction
citoyenne. Tout citoyen qui utilise un portable est un demandeur d’antenne
relais. S’il milite contre les antennes, quelque part il y a
contradiction. D’autant qu’il y a aussi une exigence de qualité, ce qui
induit une demande dérivée d’antennes relais encore plus importante.
Nécessité aussi de mesurer avant et après. Exemple de la Rocade Fleming.
Il félicite la ville de Marseille pour son courage face au récent procès
qu’elle a conduit et gagné face à France Telecom. Il est en effet
difficile, même pour une grande municipalité, de lutter contre le pouvoir
économique des opérateurs. Domination de l’économique sur le politique. Il
est difficile dans ces conditions de faire avancer les dossiers.
Françoise GAUNET indique que la France est un des pays les plus
contraignants en matière de réglementation. Les opérateurs ont des
licences qui sont soumises à reconduction et ne peuvent donc pas faire
n’importe quoi pour augmenter leur pouvoir de monopole. Elle cite aussi
une étude anglaise sur 3 millions de personnes, en étudiant les « clusters
de malades » (concentration de pathologies spécifiques sur un site
donné) autour des antennes relais. On a montré qu’il n’y avait aucune
différence entre les sites équipés d’antennes relais et les autres.
Jacqueline CROUSIER souligne que peut-être le temps de recul n’a
pas été pris en compte.
Françoise GAUNET rétorque que nenni, car ici le temps ne fait rien
à l’affaire. D’ailleurs on peut aussi prendre le cas de la Tour Eiffel
(qui correspond environ à 300 000 stations de base de téléphonie
cellulaires) et pourtant on n’a pas connaissance de pathologies plus
importantes chez les riverains. Les champs mesurés autour de la Tour
Eiffel par la NFR sont de 1 à 3 volts par mètre. Sur les Champs Elysées, à
certains moments, on arrive parfois jusqu’à 20 volts par mètre. Autour de
la Manche, les stations de radars des militaires émettent aussi un
rayonnement de 20 volts par mètre.
Actuellement, les enquêtes ne trouvent rien. Mais est-ce qu’on trouve rien
parce qu’il n’y a rien ou parce qu’on ne sait pas chercher ?
Mais il ne faut pas pousser trop loin le paradoxe.
Victor Hugo ESPINOSA indique qu’on touche ici un problème
intéressant, analogue à celui de la pollution atmosphérique et qui est
celui des « pics de pollution » et de la « pollution chronique ». Les pics
sensibilisent à l’excès, laissant dans l’ombre la pollution chronique.
Marseille à la chance d’avoir le Mistral. Concernant les antennes, ce qui
compte c’est la distance à laquelle on se trouve de l’antenne (et de temps
d'exposition ajoute Jacqueline Crousier). Paradoxe aussi : celui qui reçoit de l’argent
pour la pose d’un antenne sur son toit n’est pas celui qui prend le risque
de la pollution électromagnétique. Ce sont ses voisins. Cas classique
d’externalité négative. Il propose de la concertation et l’application du
principe de précaution. Le temps permettra de voir s’il y a les problèmes
mais attention : ne pas faire comme avec la cigarette, c’est-à-dire un
constat d’impuissance.
Françoise GAUNET : oui à la concertation, oui aux enquêtes mais
n’oublions pas que le champ magnétique solaire est de 0,1 à 2 volts par
mètre et que c’est naturel.