Le 25 juillet 2004, Michèle BONNARD  a participé avec plusieurs autres aubagnais  au fauchage du champ de maïs transgénique de Menville (Haute Garonne), en compagnie de 1500 faucheuses et faucheurs volontaires, parmi lesquels des militants associatifs, des syndicalistes, des maires et des députés.

Voici son témoignage de Michèle Bonnard : "périple de Michèle et Michèle"

Départ de Marseille vendredi soir après un bain dans les calanques merveilleusement réparateur. Dodo dans le C 15 succinctement, mais confortablement aménagé, un peu avant Nîmes. re départ vers 8 h, direction Toulouse et plus exactement Verdun sur Garonne.

Evitons dans un premier temps l'autoroute (nous sommes habitués à voter quotidiennement avec nos billets de banque) mais succombons à la tentation vu l'affluence sur la nationale. Nous n'arriverons jamais à temps. En fait, l'autoroute est aussi très encombrée. Nous arrivons à Verdun vers 12h30. Grand parking dans les champs. Le rassemblement commence à 14 h. Nous avons bien le temps de manger, crudités de l'AMAP des Olivades, figues et prunes du jardin.

Le rassemblement a lieu dans un grand et magnifique bois. Trois conférence "carrefour" ont lieu à 15 h. OGM et agriculture - OGM et thérapeutique. OGM et politique.

Michèle V. est attirée par "OGM et thérapeutique", moi-même par OGM et politique, car je pense ne plus avoir grand chose à apprendre sur l'aspect agricole, et suis tout à fait convaincue à présent du bluff et de l'hypocrisie malhonnête du côté thérapeutique. Mais comment articuler action individuelle et collective et action politique , Cela m'intéresse

Michèle V est très satisfaite du débat sur les mensonges thérapeutiques. Je suis moi-même très satisfaite de la présence de plusieurs maires dont celui de BAX (Midi-Pyrénées, commune de 80 ha) qui se voit assigné en justice, le 3 août au tribunal administratif, pour son arrêté anti-OGM.

Présence d'un vice-président du Parlement Européen (vert), très dynamique et très clair, de Noël Mamère et de plusieurs élus ou représentants des partis communistes et LCR, avec un langage qui m'a paru très nouveau, non partisan et orienté totalement vers les luttes environnementales et les solutions alternative. L'atmosphère était tout à fait imprégnée du concept "agissons ensemble".

Vers 18 ou 19 h, réunion plénière, tout le monde assis dans les prés ou sur la petite butte naturelle qui faisait office d'amphithéâtre. S'il n'y avait pas eu les arbres et les micros on se serait cru dans la scène d'introduction du film "la belle verte" (je pense que nous étions entre 1000 et 1500). Les organisateurs ont tout prévu (essentiellement la Confédération Paysanne).

On nous dit tout sur le déroulement des opérations qui débuteront demain dimanche à 10h. Tout, sauf les lieux repérés où nous allons "jardiner en plein champs". Nous sommes habitués à une organisation parfaite pour ce genre de rassemblement (Larzac, Grenoble, Montpellier ...) où tout est prévu, rien laissé au hasard. Et ça se vérifie une fois de plus. Prévision de covoiturage, règles de conduite des opérations respectueuses des hommes (CRS, gendarmes), des terres (ne pas abîmer les autres cultures), consignes de sécurité et conseils juridiques en cas d'arrestation pendant ou dans les semaines suivant l'arrachage (présence de 2 avocats habitués à ces événements).

Puis soirée festive jusque vers 2h du matin paraît-il. Mais les 2 Michèle ont sombré depuis longtemps dans un sommeil profond dans le C 15 hôtel au bord de la Garonne.

Dimanche 9 h : dernières consignes pour ceux qui étaient absent la veille. Tout le monde est inscrit, chacun a sur lui sa fiche personnelle à donner au voisin en cas d'arrestation. Contrairement au Verdun des tranchées où les décideurs étaient planqués dans les bureaux, ici ce sont les élus qui seront en première ligne comme ils l'ont demandé (applaudissements). Dans l'ordre et la discipline, les voitures se remplissent, s'atendent en ligne (celles des élus en premier), à la queue leleu ça fait plus d'un km. Imaginer quand on roule, ça fait plusieurs kilomètres. Dans les villages, on a l'air d'être très au courant. Grands sourires jusqu'aux oreilles, saluts de la main, dans la rue, sur le pas de la porte, aux fenêtre, ça fait un peu "libération". Pour faire les 30 ou 40 kms qui nous mènent à destination, le record horaire n'est pas terrible, mais nous avons tout notre temps.

Encore une fois, parking dans un grand champ moissonné. Nous nous attendons. Nous apercevons quelques bleuets à képi au loin. Ils ne semblent pas nombreux. Arrivé au fameux champ de maïs transgénique entouré d'une bande de tournesol, je compte 25 à 30 CRS et gendarmes qui semblent être là symboliquement. Nous traversons la bande de tournesol sans en abîmer un seul, arrachons ou couchons chacun notre épi, pour en laisser aux autres puis terminons le champ en quelques minutes. N'oublions pas que nous sommes 1500. Pas grand chose à dire. Tout se passe dans la bonne humeur et la joie. Retour au camps de base pour un dernier échange avec les organisateurs après un moment pour se restaurer avec fruits divers, fromage de chèvre, pâtés rillettes et pains en abondance.

Départ pour Marseille vers 17 h vers 17 h avec un jeune autostoppeur qui était venu pour se rendre compte de ce qu'était la désobéissance civile. Il était très content du voyage. beaucoup d'échanges et de rencontres au cours de ce week-end. On se retrouve entre aubagnais, par hasard ou presque. On se rencontre 2 jours après. Il faut assurer et assumer la suite de cet événement.

Etre toujours plus nombreux, réaliser d'autres actions, anéantir totalement les essais OGM, et d'autres initiatives aberrantes (nucléaire, incinérateurs, expulsons de paysans, etc.), trouver des solutions efficaces et suer rapides pour être informés et pour se déplacer à peu de frais, etc. J'ajouterais qu'un autre monde est possible car pendant 2 jours nous l'avons rencontré. Nous avons côtoyé : l'intelligence humaine, le bon sens, l'organisation, la générosité, l'humilité, le respect, la discipline joyeuse, l'humour, l'imagination, la responsabilité, peut-être le courage pour certains mais pour ceux qui n'ont plus peur on ne peut pas parler de courage me semble-t-il. On est heureux d'agir et on serait malheureux et déçu de ne pas le faire.

Michèle BONNARD