Marseille, mardi 14 janvier 2014

Communiqué de presse : la disparition inquiétante de nos précieuses terres agricoles, en PACA comme ailleurs...

La région PACA, qui compte environ 5 millions d'habitants, est la plus polluée d’Europe (eau, sols et air). Sa population a augmenté de 2 millions d'habitants en un demi-siècle et continue de croître chaque année d'environ 40 000 habitants. 70% de cette population se concentre sur la bande littorale et la vallée du Rhône qui sont ainsi très fortement urbanisées.[1]

La disparition irréversible de nos terres agricoles.

Soumise à une telle pression urbaine, les terres agricoles disparaissent à un rythme dramatique. La surface agricole dont nous disposons (un peu moins d'un million d’hectares) représente seulement 30 % du territoire régional, contre 60 % au niveau national. Elle diminue également deux fois plus vite avec une disparition annuelle régionale proche de 9 000 ha. Le nombre  d'exploitations diminue également de façon préoccupante, en plaine comme en montagne.

La partie littorale, où se concentre 70 % de la population régionale, est cruellement touchée par ce phénomène. Nous tirons la sonnette d’alarme : d’ici 15 ans, si rien n’est fait rapidement, l'agriculture pourrait disparaître dans le sud des Bouches du Rhône. Cela est déjà pratiquement le cas dans les Alpes Maritimes et sur une partie de la côte varoise. La cause principale de cette disparition provient de la forte attractivité de ces zones côtières, qui exerce une pression foncière croissante sur les terres agricoles. Cette pression entraîne également une hausse insoutenable des prix du foncier, prix qui ne  permettent plus de rentabiliser une activité agricole du fait de l'investissement de départ. Le prix d’un hectare de terre agricole a ainsi augmenté de près de 20%  en moins de 10 ans[2].

À l'échelle nationale, près de 60 000 ha de terres agricoles sont bétonnés chaque année, soit l'équivalent d'un département tous les sept ans ou d'un stade de foot toutes les 5 minutes (source : Solagro et INRA). A l'échelle européenne, nous sommes proches de 400 000 ha par an, soit un département français tout les 18 mois (source : Solagro). Au niveau mondial, nous sommes à 20 millions d'hectares par an (principalement les terres arables les plus riches), avec une surface totale de 1,5 milliard d'hectares (source : FAO). À ce rythme là, nous aurons arithmétiquement épuisé ce stock global d'ici 75 ans, soit en 2090, ce qui condamnerait, ni plus ni moins, nos petits enfants à une famine de masse.

Il y a donc péril en la planète et chaque État doit réagir au plus vite !

Sauvegarder nos terres agricoles est également indispensable pour reconstituer nos nappes phréatiques et lutter contre les inondations.

L'imperméabilisation croissante des sols, par le béton ou le bitume, entraîne une diminution grandissante des infiltrations naturelles. Ces infiltrations sont pourtant indispensables car elles permettent de régénérer les nappes phréatiques et de répondre aux besoins en eau des populations, de l'agriculture et de l'ensemble de l'activité humaine.

Par ailleurs, dans un contexte de dérèglement climatique (quelles qu'en soient les causes), nous devons renforcer, au plus vite, l’aménagement de zones humides, la mise en place de contrats de rivières ou de Schémas d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE).

Concernant le bassin de vie marseillais (3ème ville de France), nous précisons que le débit du fleuve de l’Huveaune peut passer de 1 m3/sec à 300 m3/sec, que la station d’épuration peut traiter au maximum 19 m3/sec et que l’émissaire de Cortiou ne peut pas évacuer plus que 11 m3/sec. Étant donné cette capacité limitée, il faut augmenter la surface des bassins de rétention et optimiser les capacités de stockage naturel des ripisylves tout au long des 50 kilomètres de berges de l’Huveaune. Ce fleuve draine en effet un bassin de 373 km², qui est de plus en plus bétonné. Avec des phénomènes météorologiques de plus en plus violents, nous risquons des inondations qui peuvent mettre en danger les vies de nombreuses personnes et causer de coûteux dégâts matériels. Cela concerne particulièrement les points bas de la ville, comme les secteurs du Prado ou du Vieux Port.

Le bassin marseillais compte actuellement 150 000 m3 de bassins de rétention soit 6 à 7 fois moins que Barcelone, qui compte 1 million de m3, et 10 fois moins que Bordeaux, qui en compte 1,5 millions. La 3ème ville de France doit donc rattraper son retard au plus vite ! 

Avec la fonction d'éponge des ripisylves, les meilleurs outils de rétention sont les terres agricoles et les forêts ! Ces réservoirs naturels doivent impérativement être maintenus, voire étendus, pour laisser davantage de temps à la station d’épuration de Marseille de traiter les eaux polluées. Cela doit permettre d'éviter leurs rejets directs, par l'émissaire de Cortiou, en plein cœur du Parc National des Calanques. Il faut, en effet, préserver le milieu marin et éviter la multiplication des fermetures de plages qui sont catastrophiques pour le tourisme.

En 2015, la directive européenne 2006/7/CE concernant la qualité des eaux de baignade, va rentrer en application. Si rien n’est fait très rapidement, un nombre important de plages vont être fermées. Selon une simulation de l’Agence Régionale de Santé, pas moins de 5 plages sur 21 (soit 1 plage sur 4) seront concernées à Marseille : l’Huveaune, les Catalans, le Prophète, l’Anse des Sablettes et Saint Estève au Frioul. Précisons que deux millions de personnes se baignent chaque année sur les plages marseillaises.

L'indispensable maîtrise de l'urbanisation

Nous demandons aux Maires, qui sont les premiers acteurs de l'urbanisme et qui sont  conscients de tous ces enjeux, de donner un coup d'arrêt décisif au bétonnage des terres agricoles et des espaces naturels.

La densité marseillaise est de 4 200 habitants/km², contre 20 000 habitants à Paris. La cité phocéenne peut donc très clairement densifier ses zones d'habitation et d'activités (notamment en hauteur). En limitant son étalement urbain, la ville peut limiter le coût du développement de ses indispensables transports collectifs, de ses voiries et raccordements divers, de ses crèches et autres équipements publiques, ainsi que de ces services de proximité. La future métropole, qui se fera à partir de 2016, quoi que l'on puisse en penser, devra donc contribuer à cette meilleure rationalisation de nos espaces, de nos équipements, de nos services et de nos fonds publiques. 

Au niveau national, nous devons prendre des mesures efficaces grâce à la future loi d'avenir agricole débattue actuellement au Parlement. La mesure principale que nous devons adopter consiste à donner une réelle capacité d'action aux CDPENAF (Commissions Départementales de Préservation des Espaces Naturels, Agricols et Forestiers). De nombreux député(e)s demandent à ce que ces commissions puissent obtenir un avis décisionnel (leur avis n'est actuellement que consultatif). Ils s'appuient pour cela sur les recommandations de la Cour des Comptes (référé n° 66580 remis au Premier Ministre le 1er août 2013) mais se heurtent à l'opposition du Gouvernement, en particulier du Ministre de l'Agriculture, M. Stéphane LE FOLL. Le rôle décisionnel des CDPENAF est pourtant déjà appliqué de façon efficace dans les DOM depuis 2012 et peut être facilement étendu à la métropole. Le blocage n'est donc pas de nature technique mais de nature très clairement politique.

Nos député(e)s, toutes tendances confondues, doivent donc continuer à se mobiliser pour permettre que cette mesure indispensable soit adoptée. Ils ont déjà commencé à le faire en première lecture du projet de loi et ont maintenant besoin, pour continuer, du soutien de la société civile. De plus en plus d'acteurs sont en effet convaincus qu'il faut encadrer au plus vite la pression foncière qui s'exerce de toute part sur les terres agricoles (habitat pavillonnaire, prolifération des zones logistiques et commerciales, des infrastructures touristiques, des « fermes » photovoltaïques, des LGV ou des aéroports inutiles...).

Pour résumer, lutter contre la disparition des terres agricoles est essentiel pour notre alimentation et notre santé, mais cela est également indispensable pour assurer le renouvellement de nos nappes phréatiques et prévenir les conséquences des inondations qui se multiplient sur nos territoires. Cerise sur le gâteau, quand arrivent les beaux jours, c'est aussi un bon moyen pour éviter la pollution de nos eaux de baignade et la fermeture de nos belles plages, en Provence comme ailleurs...

Une politique courageuse et durable est donc à la fois possible et nécessaire !

Alors, le changement, c'est dans un siècle ou c'est maintenant?

 

Victor Hugo ESPINOSA - Président d’Ecoforum – 06 73 03 98 84

Jean-Christophe ROBERT - Président de l'association Filière Paysanne - 06 17 47 88 78


 

[1]              Synthèse du diagnostic territorial stratégique de la région Provence-Alpes-Côte d'azur (octobre 2012)

[2]              Selon Agreste : en 2008, le prix d’un hectare de terre nue était de 19 660 € dans notre département, soit une augmentation de 118 % par rapport à 2001 (la moyenne nationale était de 5 170 €/ha).